Crise politique encore, toujours, des semaines maintenant, tout un mois déjà. Politologues et autres parlent d’impasse constitutionnelle, de brouilles d’Etat, voire, simplement, de «batailles d’ego». Alors, qu’à l’évidence, le pire est ailleurs, le pire est pour bientôt. Le pire est imminent.
Le pire, c’est l’agence Moody’s qui nous le notifie. Nous dégringolons en bas des économies à la traîne. Autrement dit, notre endettement est tel et nos finances sont tellement à court que nous risquons, à court terme, à très court terme, de perdre tous nos prêteurs et de ne plus pouvoir répondre aux besoins pressants du pays.
Le pire, en plus clair, n’a, logiquement, raisonnablement, rien à frayer avec les querelles de pouvoir. Ce qui sera en jeu sous peu, ce sont nos salaires et nos retraites, ce sont nos produits compensés. Quasiment une faillite en vue. Que peut bien nous importer, désormais, que tel ou tel président ait plus raison «en droit», où que tel ou tel parti manifeste où accapare l’Avenue Bourguiba. Ennahdha dit avoir rassemblé une centaine de mille de partisans l’autre jour, au centre-ville. A la même heure, le parti des travailleurs «amassait» foule. La «veille» à Sousse, Abir et le Destour libre étaient en démonstration. Le lendemain, à Kairouan, Kaïs Saïed pointait tout le monde du doigt. Le mobile ? Ni l’alerte de Moody’s, ni nos salaires, ni nos retraites, ni la hausse des prix, ni les produits de compensation. Mais «le positionnement politique» à chacun. Son «petit intérêt politicien».Tentative de rattrapage pour Ennahdha. De sortie d’anonymat pour la gauche de Hamma. Et pour Abir et le Destour libre monnayer, encore et encore, «les ratages et les bourdes de la révolution».Le pire nous précède, aussi, et nous n’en soufflons, hélas, mot. Il est en ce que ces politiciens, qui sont aux commandes et qui ne se soucient que de leurs petits intérêts politiciens, c’est nous qui les avons mis là où ils sont… Nous qui revenons les élire à chaque fois. Plus étrange : par trois scrutins déjà nous étions des millions à nous absenter des urnes et à leur laisser le champ libre, pratiquement tout un pays «à portée».Les mêmes quasiment décident du sort du pays depuis 2011. Depuis la troïka, jusqu’à «l’alliance Nahdha-Nidaa», jusqu’à la coalition de 2019. Les dégâts perdurent, le désastre est proche, les responsables restent à leur place.Réélus et ne rendant compte de rien. Appelant à l’entraide, à l’union pour sauver l’économie, résoudre la crise sociale, mais n’engageant jamais d’action. Là, aujourd’hui, alors que tout menace de s’effondrer, alors que tous les feux sont au rouge, la société civile, l’Ugtt, l’Utica, l’Ordre des avocats, quelques sages de la politique appellent à un débat de salut national. L’idée n’est pas de refus. Mais ne sont-ce pas les mêmes qui y sont conviés? Les mêmes, surtout, qui seront remis aux commandes aussitôt. Des dialogues de cet ordre ont déjà eu lieu. Il y a eu «Carthage 1» et «Carthage 2». Les mêmes y étaient, les mêmes président à «la dégringolade nationale» depuis.
«Le pire nous précède aussi» : rendons-en nous compte enfin. La classe politique, qui nous gouverne voilà dix ans, n’est pas moins coupable que nous ne le sommes, que nous ne l’avons été lors des échéances de la révolution. Cette classe politique fut aussi notre propre choix. Notre propre échec. A nous d’en tirer les bons enseignements.